En ce moment les aménagements cyclables temporaires, qui appartiennent à ce qu’on appelle « l’urbanisme tactique », ont le vent en poupe. En fait cette idée a plus de 50 ans. Elle est née à San Francisco et a été théorisée par l’architecte américain Mike Lydon.  Marque d’un activisme pacifique qui consiste à prendre possession provisoirement d’espaces dévolus à l’automobile (places de parking, axe routier), elle est devenue une modalité d’action des politiques on ne peut plus légal. Les élus de Bogota par exemple ont décidé de fermer tous les dimanches les principaux axes (+ de 120 km de routes) de cette métropole de plus de 7 Millions d’habitants, à la circulation automobile pour que piétons, cyclistes et autres usagers de trottinettes… les investissent.

Dans le cadre du confinement et du déconfinement progressif à venir, on comprend dès lors que cette idée soit reprise dans les grandes villes : aménager temporairement la ville pour permettre une circulation cycliste et piétonne plus importante et plus sécurisée dans le cadre d’une limitation du recours aux transports en commun peu adaptés à une application stricte des « gestes barrières » et alors que la baisse du trafic général le permet.

Mais peut-on envisager d’étendre cette politique à l’échelle d’une ville comme Mâcon ? A Mâcon vélo en ville nous en sommes convaincus.

Le vélo est un moyen de déplacement individuel qui permet de respecter la distanciation sociale de manière naturelle et qui maintient celui qui le pratique en bonne forme physique, ce qui limite les conséquences d’une infection[1]. Sans parler du besoin sanitaire vital d’activité physique après deux mois de confinement et de l’effet de la vitamine D (augmentée par l’exposition directe au soleil) dans les défenses immunitaires. Enfin, la crise économique à venir impose aux ménages de faire des économies, et le patriotisme économique de réduire les importations, autant d’arguments actuels en faveur d’un rééquilibrage de l’usage de la voiture et des dépenses de carburant vers les modes de déplacement sains, sûrs et sobres. Mais quid de la mise en place d’aménagements cyclables temporaires ?

On nous objectera que les transports en commun dans l’agglomération mâconnaise ne sont pas si nombreux et si fréquentés que le danger sanitaire y soit autant présent qu’à Paris ou Lyon. Certes même si le problème des transports scolaires se posera avec acuité !  Le vrai danger serait de ne pas sentir le besoin de changement des habitants, le confinement a éprouvé les familles et après un tel traumatisme, recommencer la vie comme avant ne semble pas possible. Beaucoup de Mâconnais ont ressorti les bicyclettes ou se sont mis à marcher pendant ces semaines de confinement, il faut permettre d’amplifier ce mouvement pour que la vie d’après soit meilleure que celle d’avant et pas plus terne, avec bouchons, bruits et pollution retrouvées.

Peut-on accepter que cette crise sans précédent n’ait qu’un effet : celui du retour décuplé à une saturation de l’espace par la voiture ?

Non. Il faut que ce temps de déconfinement progressif soit l’occasion d’installer de nouveaux usages de l’espace. Mettre en place des aménagements temporaires cyclables, par exemple sur l’ex-N6 (le retrait des obstacles sur les trottoirs et bas côtés notamment pour permettre le passage de piétons, la banalisation d’une voie pour les déplacements actifs et trottinettes, la largeur permettant cette cohabitation) mais aussi sur les routes structurantes menant aux écoles, collèges et lycées…, c’est tester grandeur nature un partage plus équilibré de l’espace public de circulation. Sans coût important puisque le matériel de signalisation de chantier suffit. Sans lourdeur administrative puisqu’un simple arrêté de l’autorité de police, c’est-à-dire de la mairie, suffit[2]. Sans irréversibilité : si ça ne fonctionne pas, on peut faire des ajustements facilement. Et avec le soutien des plus hautes instances de l’État : le ministère des transports a diligenté une enquête auprès des collectivités territoriales sur la mise en place de telles pratiques (voir ici le questionnaire établi par le Club des villes et territoires cyclables à l’intention des collectivités territoriales).

Cela peut marcher ! Avant même la crise, des changements rapides comme ceux-là ont fait leur preuve dans de nombreuses villes. Les citadins se prendront vite au charme d’une ville apaisée, et décongestionnée, à la fin du bruit  et à la liberté de flâner devant les boutiques sans être entassés sur des trottoirs étroits. Les parents seront heureux de laisser leurs enfants circuler de manière autonome sans danger dans la ville. Et nous tous nous pourrions réaliser que finalement « c’est à peine plus long mais tellement plus agréable d’aller au boulot en vélo (ou à pied) »…

Deuxième objection que l’on pourrait peut-être nous opposer : les voitures viennent de l’extérieur de la ville, de l’ensemble du territoire de l’agglomération MBA, voire au-delà. D’abord, 64% des actifs mâconnais travaillent à Mâcon (données INSEE 2016) ; il est donc possible au moins pour cette population de faire exploser la pratique des déplacements sûrs, sains et sobres.  Néanmoins, il faut prendre en considération tous ceux qui viennent travailler à Mâcon ; il faut donc que ces expérimentations ne se limitent pas à la seule commune de Mâcon. Une idée : et si l’on transformait temporairement les parkings de l’espace de Champgrenon à Charnay les Mâcon ou des grandes surfaces de la zone Sud et nord en parking de stationnement à la journée avec une offre combinée de transports en commun sécurisée, de location de vélos… Irréaliste ? Non, ambitieux. Mais si nous ne le sommes pas en ce moment, quand le serons-nous ?

Enfin, en période de difficultés économiques à venir pour nos commerces de centre ville, il faut encore rappeler que, contrairement à une idée reçue et parce qu’ils peuvent s’arrêter facilement partout devant les commerces, et parce qu’ils ont un pouvoir d’achat plus élevé du fait d’économies sur l’automobile, les consommateurs non motorisés sont de meilleurs clients (panier moyen par visite légèrement inférieur mais beaucoup plus de visites) des petits commerçants de ville (voir rapport ADEME : commerces de centre-ville et de proximité et modes non motorisés). Ainsi, c’est tout à la fois une nécessité de santé publique qu’une exigence de survie économique qui impose aujourd’hui de l’ambition pour faire redémarrer la ville.

En tout cas, expérimenter lorsque cela est possible (et nous vous avons prouvé que ça l’était pour les déplacements) pour ensuite faire des choix d’aménagement concertés et judicieux, en voilà une bonne idée ! Pourvu qu’elle devienne un incontournable de l’aménagement urbain !

Nos près de deux cents adhérents et sympathisants sont des citoyens engagés dans la ville, la connaissant bien, et disponibles pour conseiller et proposer des solutions pour avancer ensemble dans cette direction.


[1]la liste des comorbidités du Covid (surpoids, faiblesse respiratoire ou cardiaque…) est la même que celle bien connue des conséquences de la sédentarité. Une pratique d’activité physique (marché, vélo..) réduit ces comorbidités.

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