Un amphi Henri Guillemin bien rempli pour la conférence-débat avec Frédéric Héran organisée par Mâcon Vélo en Ville, le 15 novembre dernier, « le vélo, un bon plan pour la ville ». Attentifs à la thèse centrale du conférencier, « la nécessité de s’engager dans une politique de modération du trafic automobile pour permettre un report modal en faveur de la bicyclette », les participants ont pu explorer avec lui les voies d’un retour réussi du vélo à Mâcon. Dommage que la plupart des élus invités aient brillé par leur absence.

À la découverte du Mâcon cyclable

Arrivé en début d’après-midi en gare de Mâcon-Ville, Frédéric Héran était venu avec sa bicyclette, ce qui lui a permis, accompagné par la présidente et des membres de m2v, de faire dans les heures qui ont précédé la conférence une petite exploration in vivo du Mâcon cyclable.

Grâce à ce tour à vélo, le conférencier a pu repérer, entre autres points noirs, les nombreuses discontinuités dont souffrent les aménagements cyclables de la ville, faire connaissance avec le fameux et surdimensionné rond-point de Neustadt et mesurer à quel point le 2 fois 2 voies gratuitement offert à l’automobile sur l’axe Nord-Sud de Mâcon est une aberration.

Une mine d’informations

Le soir venu, dans un amphi bien rempli, Frédéric Héran devait livrer un « premier sentiment », fondé sur sa randonnée exploratoire et les données chiffrées que nous lui avions fait parvenir : « J’ai détecté à Mâcon une envie de vélo, il est donc temps de s’y mettre ». Et le docteur Héran de rassurer d’emblée son auditoire : « Non, le cas de Mâcon n’est pas désespéré », avant de dérouler les deux axes de son intervention :

  • une histoire du vélo dans le contexte de l’évolution des modes de déplacement en Europe, du XIX° siècle à aujourd’hui ;
  • le retour du vélo dans les villes moyennes en général et à Mâcon en particulier, dont la réussite passe nécessairement par « un engagement fort de modération du trafic automobile ».

L’histoire nous enseigne qu’il serait faux de croire que les disparités constatées de nos jours sur la pratique du vélo urbain selon les villes ou les pays seraient le fait de différences culturelles ou climatiques. De même que l’essor du vélo a été général dans la première moitié du XX° siècle en Europe et aux États-Unis, son effondrement a été tout aussi général au cours des trente glorieuses. Et, contrairement aux idées reçues, de grandes villes où le vélo aujourd’hui est roi, telles qu’Amsterdam, Copenhague ou Berlin, n’ont pas fait exception à la règle (voir diapo).

C’est avant tout en termes de concurrence entre modes de transport que s’expliquent les phases d’effondrement, puis de renaissance de la pratique du vélo et, forcément en termes de choix (ou de non-choix) politiques selon qu’ils régulent ou pas cette concurrence intermodale.

Dans l’immédiat après-guerre, le début du déclin de la bicyclette utilitaire coïncide avec l’apparition des vélomoteurs. « La bicyclette qui roule toute seule » annonce malicieusement la réclame du Solex, né en 1946, peu avant la « Mob » de Motobécane en 1949, présentée par les publicistes comme « un vélo avec un bon petit vent arrière permanent », suivie dix ans après par le cyclomoteur Peugeot (voir diapo).

Et puis, comme on le sait, la voiture se démocratise, on lui voue un véritable culte aux USA, en Angleterre et en France tout particulièrement, trois pays dotés d’une industrie automobile forte. C’est ainsi que la « bagnole », nouveau symbole d’autonomie et de liberté, va envahir peu à peu l’espace public au détriment des autres modes de transport, avec la bénédiction des décideurs politiques (voir diapo).

De quoi susciter à l’orée des années 70 révoltes et protestations comme la première vélorution, manifestation pro vélo initiée par les « Amis de la Terre », le 22 avril 1972 à Paris (voir vidéo INA).

La crise de l’énergie sera un facteur supplémentaire qu jouera en faveur de modes de transport sans pétrole dont la bicyclette.

Les cours urbaines aux Pays-Bas, les ZTL (zones à trafic limité) italiennes, les zones 30 en Allemagne inventées à cette époque ont démontré leur efficacité, mesures devenues emblématiques et qui ont plus que jamais valeur d’exemple. Quant à la France, « où règne une conception biaisée de la liberté de circuler », elle a beaucoup de mal à se départir du « tout voiture ».

On constate pourtant, en France aussi, les avantages d’une ville apaisée. Pour preuve, les réapparitions conjointes du tram, qui redessine les villes, et du vélo. Tramway et aménagements cyclables « remettent la voiture à sa place en prenant de la place à la voiture ».

Si le retour de la bicyclette est généralement observé partout, celui-ci va s’opérer toutefois avec des décalages temporels en fonction des pays et de la taille des villes : c’est ainsi que la renaissance cycliste sera plus précoce aux Pays-Bas ou en Allemagne qu’en France, de même que dans les grandes villes elle précède les villes moyennes et petites (voir diapo).

Ce qui n’empêche pas les disparités au sein d’une même catégorie d’agglomérations, selon qu’elles aient déjà ou pas encore adopté une vraie politique des déplacements en faveur du vélo.

C’est ainsi que dans le périmètre de transports urbain (PTU) de Mâcon, d’après une enquête CEREMA des déplacements dans les villes moyennes (2017), la part modale du vélo n’est que de 2% contre 8% à La Rochelle ou 6% à Colmar, à PTU égaux.

Alors, comment relancer le vélo au quotidien ? Frédéric Héran recommande tout d’abord d’adopter une approche « qui tienne compte de l’ensemble des modes de transport, en intégrant le fait que ceux-ci sont essentiellement concurrents ».
Il importe ensuite de les hiérarchiser, du fait précisément de cette concurrence, afin de donner la priorité aux déplacements les plus doux (la marche, le vélo, …), lesquels sont les moins consommateurs d’énergie et les moins nuisibles à l’environnement.
On s’emploiera à réparer (ponts, passerelles, …) les coupures urbaines majeures qui obligent les cyclistes du quotidien à de longs et dangereux détours.
Et puis enfin et surtout, « c’est là le cœur de ma thèse », insiste le conférencier, « un retour réussi du vélo en ville passe nécessairement par une modération de la circulation motorisée ».
On y parvient en généralisant les zones apaisées (zones 30, zones de rencontres, aires piétonnes), en encadrant le stationnement et en « partant à la reconquête des espaces publics ».

À cet égard, le passage du 2 fois 2 voies de la RD906 (ex N6), pointé comme « archaïque » par le conférencier, à un 2 fois 1 voie s’impose et figurera parmi les mesures phares du plan vélo de Mâcon. Le succès remporté par notre pétition en ligne « aménagement cyclable de la N6 à Mâcon », lancée par M2V (ici, pour signer) vient démontrer la réalité du besoin.

En conclusion de son exposé, Frédéric Héran a prôné une approche systémique du vélo en ville : le développement de sa pratique et son essor supposent la prise en compte de nombreux éléments qui interagissent (aménagements cyclables, marquage contre le vol, intermodalité, aides à l’achat de vélos, forfait mobilité, ateliers d’auto-réparation, vélo- écoles, …) et qui doivent donc faire l’objet d’une vision globale.

C’est précisément cette cartographie du système vélo (voir ici) que nous avons déjà adoptée pour structurer les axes du plan vélo que nous préparons.

(Frédéric Héran nous a très aimablement autorisé à téléverser sur maconvelo.fr l’ensemble des diapositives de son exposé, consultables ici. )

Construire avec tous le plan vélo de Mâcon et de son agglomération

Le débat qui a suivi a été riche en témoignages et confirmé qu’il y avait encore beaucoup de pain sur la planche : l’aménagement cyclable de la N6, la résolution de trop nombreuses discontinuités cyclables, la reconfiguration du rond-point de Neustadt, la résorption de ces « chaos automobiles » autour des collèges, etc.

Il a mis en évidence le désir de vélo qui se fait jour à Mâcon, l’envie aussi de travailler à l’essor du vélo dans notre ville et son agglomération, la confiance dans l’avenir suscitée dans des projets à dimension éducative comme le vélobus.

Il est dommage qu’à l’exception de Josiane Casbolt, maire de Saint-Amour et vice-présidente de Mâcon-Beaujolais-Agglomération, et d’Ève Comtet-Sorabella, conseillère municipale d’opposition et candidate à la Mairie de Mâcon – merci à toutes les deux, les élus n’aient pas été présents ni même représentés.

Cette rencontre avec Frédéric Héran, riche d’enseignements, était pourtant une première opportunité d’affirmer avec nous leur engagement en faveur d’un retour réussi de la bicyclette à Mâcon.

Nous ne doutons pas néanmoins de leur implication prochaine sous le double effet, en particulier, de la LOM (loi d’orientation des mobilités), qui prévoit de financer les projets en faveur du vélo de villes ou d’agglomérations candidates, et bien évidemment des prochaines élections municipales, dont le vélo au quotidien sera l’un des enjeux.

C’est avec eux et avec tous, en s’appuyant notamment sur les résultats à venir du baromètre 2019 des villes cyclables de la FUB, qui a remporté un franc succès à Mâcon et à Charnay en terme de taux de réponses, que nous travaillerons à la construction de l’indispensable et très attendu plan vélo 2020 de Mâcon – MBA.

Partagez cet article !